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État de grâce

Il y a plusieurs sujets que je voudrais aborder, et je vais, comme d'habitude, le faire pêle-mêle.

Le ralentissement et l'homogénéisation des surfaces d'abord. On a enfin une source statistique exhaustive ici, qui montre assez clairement que, depuis 1990, le jeu n'a pas été ralenti par les changements seuls des surfaces, mais aussi qu'il n'y pas vraiment eu d'homogénéisation. Il faudrait arrêter avec les foutaises. Ces données, avec les explications disponibles dans cet article, sont suffisantes pour ne plus perpétuer le mythe de « l'uniformisation des surfaces » qui permettrait à deux ou trois joueurs de dominer le tennis mondial. C'est leur travail de perfectionnement, l'universalité de leurs talents, et leurs caractères indomptables qui ont permis leur réussite, pas un changement d'herbe à Wimbledon, ni un peu plus de sable dans la couleur des revêtements.

Ce n'est pas la seule raison pour laquelle ce texte de Peter Bodo est une provocation maladroite, basée sur des données inexactes, des approximations superficielles. Il cite même Paul Annacone, qui, pour des raisons assez évidentes, frappe à la même porte. André Agassi, sur le même sujet, pour avoir vécu ces changements, a une opinion autrement plus nuancée : que l'évolution du tennis a été provoquée par des avances technologiques, et tempérée par le besoin de ne pas dénaturer le jeu. La thèse du ralentissement des surfaces a été longtemps mise en avant par les fans de Roger Federer, pour expliquer ses nombreuses défaites contre Novak Djokovic et Rafael Nadal. On a la preuve aujourd'hui que ces défaites étaient généralement causées par un déficit technologique (sa raquette) et une faiblesse technique (son revers), auxquels Federer a remédié. Il reste, tout de même, considérablement plus fébrile que ses grands adversaires dans les moments clefs.*

J'aimerais revenir sur la finale des Internationaux d'Australie et la comparer avec la finale de Doha 2016. Les deux fois, Novak a emporté des victoires faciles contre Rafa, jouant un tennis de première qualité. J'avais revu ce match -- avec de bons commentaires de Fabrice Santoro et Sébastien Grosjean -- avant la finale, et j'étais certain que Nadal ne jouait pas mieux sur dur qu'en 2015/6. Ce qui m'a le plus frappé est que Nadal était rentré sur le court sans aucune solution tactique. Prenons, par exemple, le positionnement pour le retour de service : alors que Novak d'emblée couvrait les zones préférées de l'Espagnol, Rafa cherchait pendant toute la rencontre une position optimale pour retourner et ne la trouvait pas. À Doha, il avait essayé de prendre la balle plus tôt et de rester près de sa ligne de fond, et ça n'avait pas marché. Mais il avait, d'une manière générale, assez bien joué. À Melbourne, il avait l'air déboussolé et sans idées. Seuls ses progrès au service lui ont épargné une humiliation plus pénible encore.

Il n'y a aucun doute que, depuis 2015, Rafa reste très en-dessous d'un Djokovic à son meilleur niveau. Entre-temps, Djokovic a fait des progrès importants sur le service, le coup droit et le jeu de transition. Par rapport à la période de 2011 à 2014, il joue un cran au dessus. Rafa, dans ses combats contre Novak, ne trouve comme arme qu'une défense pugnace qui ne fonctionne bien que sur terre battue. Leur rivalité a balancé pendant des années, mais à partir de 2014, à cause des blessures des deux joueurs, on n'a pas bien pu se rendre compte où ils en étaient dans leur face-à-face. Il est maintenant clair que Djokovic a deux temps d'avance.

Que se passera-t-il à Roland Garros ? On en est encore bien loin. J'estime que et Djokovic et Nadal continuerons à travailler leurs services respectifs, et Rafa, sur ce point, pourrait avoir un peu plus de marge. Je pense aussi que Novak va continuer à modifier son approche du jeu. Personnellement, je le vois manquer de puissance. J'ai eu l'impression, pendant les Internationaux d'Australie, que Rafa avait perdu de la vitesse, mais ce peut bien n'être que temporel. Si leur rencontre sur le Chatrier de 2015 peut être une référence, ce que je pense, Novak devrait avoir assez de jeu pour pouvoir remporter le tournoi et réussir le grand chelem une seconde fois.

Finissons ce texte par Federer. Il est temps qu'il réagisse et prenne ses distances avec ce qui se fait pour lui et en son nom, car il est, probablement même sans le vouloir, devenu nocif. Tant qu'il jouait bien, ses résultats donnaient une raison d'être à la propagande forcenée menée en sa faveur. Mais depuis qu'il est sur la pente descendante, on s'est mis à l'avantager dans les tournois plus qu'il n'est de bon goût. La programmation, je comprends. La programmation indécente de ses adversaires potentiels, par contre j'ai du mal à accepter. Les surfaces à sa mesure : ça commence à rester en travers de la gorge. Mais, à en croire le directeur du tournoi de Dubai, on va se mettre à donner des coups de pouces au tirage au sort pour lui permettre de remporter la victoire. Bon, on l'avait déjà fait, ça, je ne suis pas naïf.** Mais on ne l'avait jamais avoué ouvertement.


* Je fonde cette conclusion sur plusieurs analyses parues dans divers articles, deux sur ultimatetennisstatitics.com, dans la série « MythBusters » ici, et , et un troisième ici. qui décortique les statistiques des fins de jeux.

** De 2008 à 2011, certainement, dans les GC. C'est un fait analysé et connu.

Commentaires

  1. Un enieme fed hater, aucun interet...

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  2. Même pas. Si je pense qu'il est quelquefois complice -- voir l'interview de Caujolle à ce sujet -- je suis sûr qu'il ne contrôle pas ce qui passe. C'est une machine qui fonctionne par elle-même, où il n'est qu'un jouet, un objet que l'on utilise à ses propres fins. Il y a beaucoup d'argent, trop, même. Cette machine, ce monstre est prêt à le dévorer le jour où il ne répondra plus aux attentes, comme ça a failli être le cas en 2008, en 2013.

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  3. Mais, avant de l'absoudre, n'oublions pas que sa société a racheté des parts de TennisTV, qu'il est relation d'affaires avec Tennis Australia, que Greg Tiley est lié à la Laver Cup... Je vais écrire un article à ce sujet, car tous ces liens sont bien documentés, je n'ai qu'à les retrouver dans mes archives et à retrouver les sources.

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