Le cas de Stéphane Robert n'est qu'un exemple des bienfaits qu'apporte une carrière plus longue à un joueur. Je l'avais regardé à Rome, et dans son match contre Djokovic, il avait tenu tête au no 1 mondial, jouant un tennis engageant et spectaculaire. Il vient de perdre contre Youzhny à Toronto, dans une rencontre au résultat serré. Karlovic, lui aussi, réussit une bonne saison, a 37 ans, alors que Stepanek, de deux mois son aîné, revient de blessure dans les fanfares. Paolo Lorenzi vient de remporter son premier tournoi, à 34 ans, Nicolas Mahut a lui aussi de remporté un tournoi sur gazon en Hollande avant de réussir son meilleur Wimbledon.
Voici une liste des joueurs de plus de trente ans classés dans le top 200.
Comme on peut le voir, il y en a 60 dans le top deux cents, 40 dans le top cent, 22 dans le top 50, 11 dans le top 25, 5 dans le top 10.
Comment expliquer cette longévité accrue des joueurs de tennis ? J'y vois plusieurs causes :
1. D'abord, un conditionnement physique supérieur et différent. Un bref regard sur les listes des meilleurs temps des courses du 100, 200, 400 et 800 m en athlétisme révèle des nombres intéressants d'athlètes de 30 ans et plus parmi les vingt meilleurs en 2016 : 7 au 100 m, 6 au 200 m, 3 au 400 m, 1 sur 800 m.
Il faudrait évidemment faire une analyse plus poussée, sur des échantillons plus larges et en prenant compte d'autres sports, mais il semblerait que la perte de puissance et de vitesse ne serait pas la raison du déclin relatif des joueurs, mais les problèmes enchevêtrés d'endurance et de récupération.
Le format des tournois favorise les joueurs affirmés, très souvent plus âgés. Seuls la Coupe Davis et les tournois du grand chelem se jouent encore au meilleur des cinq sets. De plus, les têtes de séries sont protégées et jouent, d'habitude, une rencontre en moins par tournoi. Ensuite, la majorité des joueurs se spécialise, joue en général beaucoup moins de matches -- rares sont ceux qui pratiquent et le simple et le double.
2. Les progrès techniques et tactiques. On peut les remarquer à tous les niveaux : Federer, Djokovic, Karlovic, Lopez, Brown... Ils sont quelquefois très subtils, en d'autres occasions très visibles. En général, les joueurs plus âgés ont non seulement un jeu plus complet, mais leurs schémas de jeu sont meilleurs, et ils gèrent mieux les moments critiques.
Le tableau suivant http://www.tennisabstract.com/cgi-bin/leaders.cgi?f=s00l1 permet de bien voir les performances sur les balles de bris, par exemple, et l'avantage des joueurs plus expérimentes.
Il me semble également que les progrès réalisés les dix, quinze dernières années n'ont pas été intégrés dans le processus d'entraînement. D'abord, on ne fait pas assez attention au matériel : le choix des raquettes, des cordages est relégué en général aux parents des jeunes joueurs, et très souvent, ne convient pas à leurs affinités et à leur physique.
D'un point de vue plus général, il manque, en dépit de plus en plus nombreuses publications liées à la didactique du tennis, une méthodique détaillée d'apprentissage. Les entraîneurs devraient être formés non seulement en tant que joueurs, ce qui est d'habitude le cas, mais aussi sur bien d'autres points allant de la physique, par la physiologie, à la psychologie et pédagogie. Malgré les efforts des différentes fédérations, sans entrer dans les détails, les résultats des écoles nationales sont très inégaux ou incomplets. Prenons le cas des joueurs français du top cent : Tsonga bouge mal et son revers est une faiblesse, Simon et Monfils ne savent pas volleyer, Gasquet, lui, a ses propres lacunes.
L'apprentissage du tennis est très difficile et requiert à la fois une approche holistique, formatée et individualisée. Elle manque cruellement. Ce matin-même, dans un campus où trois entraîneurs travaillaient en même temps avec des enfants âgés entre 10 et 12 ans, on pouvait observer, côte à côte, trois microcosmes très différents. Non seulement les exercices, leur intensité étaient variables, ce que je comprends et approuve, mais les techniques de coups élémentaires requises par les entraîneurs. Compte tenu du fait que les enfants changeaient de groupe chaque jour, on peut imaginer leur confusion à la fin des séances d'entraînement.
Un autre détail nous éclairera : 70% des joueurs de moins de 25 ans classés dans le top 100 disposent de gros services. Dans la tranche d'âge de moins de 21 ans, ce pourcentage est supérieur. Le reste de leur jeu -- comme on a pu s'en rendre compte à maintes reprises -- manque de maturité. Si nous excluons les Nadal, Djokovic et Murray, des Berdych, Gasquet, Monfils, Tsonga, étaient quand même plus précoces.
À bientôt.
Voici une liste des joueurs de plus de trente ans classés dans le top 200.
-
111 Radek Stepanek 37.6
- 26 Ivo Karlovic 37.4
- 57 Stephane Robert 36.1
- 145 Michael Berrer 36
- 86 Victor Estrella Burgos 35.9
- 126 Albert Montanes 35.6
- 97 Benjamin Becker 35.1
- 3 Roger Federer 34.9
- 129 Marco Chiudinelli 34.8
- 19 Feliciano Lopez 34.8
- 40 Paolo Lorenzi 34.6
- 54 Paul Henri Mathieu 34.5
- 42 Nicolas Mahut 34.5
- 135 Daniel Munoz de la Nava 34.4
- 11 David Ferrer 34.3
- 133 Tommy Robredo 34.2
- 56 Mikhail Youzhny 34
- 71 Carlos Berlocq 33.4
- 37 Gilles Muller 33.2
- 52 Guillermo Garcia Lopez 33.1
- 132 Maximo Gonzalez 33
- 64 Yen Hsun Lu 32.9
- 93 Florian Mayer 32.8
- 48 Fernando Verdasco 32.7
- 23 Philipp Kohlschreiber 32.7
- 169 Edouard Roger Vasselin 32.6
- 59 Malek Jaziri 32.5
- 94 Rogerio Dutra Silva 32.4
- 72 Andreas Seppi 32.4
- 134 Steve Darcis 32.3
- 106 Juan Monaco 32.3
- 103 Rajeev Ram 32.3
- 138 Go Soeda 31.8
- 85 Dustin Brown 31.6
- 76 Ivan Dodig 31.5
- 30 Gilles Simon 31.5
- 105 Konstantin Kravchuk 31.4
- 63 Dudi Sela 31.3
- 5 Stan Wawrinka 31.3
- 77 Horacio Zeballos 31.2
- 17 John Isner 31.2
- 9 Jo Wilfried Tsonga 31.2
- 161 Luca Vanni 31.1
- 102 Teymuraz Gabashvili 31.1
- 46 Marcos Baghdatis 31.1
- 80 Lukas Rosol 31
- 124 Daniel Gimeno Traver 30.9
- 45 Nicolas Almagro 30.9
- 197 Simone Bolelli 30.8
- 8 Tomas Berdych 30.8
- 165 Alexander Kudryavtsev 30.7
- 88 Sergiy Stakhovsky 30.5
- 20 Pablo Cuevas 30.5
- 179 Vincent Millot 30.4
- 34 Viktor Troicki 30.4
- 47 Marcel Granollers 30.2
- 127 Tobias Kamke 30.1
- 31 Kevin Anderson 30.1
- 15 Richard Gasquet 30.1
- 4 Rafael Nadal 30.1
Comme on peut le voir, il y en a 60 dans le top deux cents, 40 dans le top cent, 22 dans le top 50, 11 dans le top 25, 5 dans le top 10.
Comment expliquer cette longévité accrue des joueurs de tennis ? J'y vois plusieurs causes :
1. D'abord, un conditionnement physique supérieur et différent. Un bref regard sur les listes des meilleurs temps des courses du 100, 200, 400 et 800 m en athlétisme révèle des nombres intéressants d'athlètes de 30 ans et plus parmi les vingt meilleurs en 2016 : 7 au 100 m, 6 au 200 m, 3 au 400 m, 1 sur 800 m.
Il faudrait évidemment faire une analyse plus poussée, sur des échantillons plus larges et en prenant compte d'autres sports, mais il semblerait que la perte de puissance et de vitesse ne serait pas la raison du déclin relatif des joueurs, mais les problèmes enchevêtrés d'endurance et de récupération.
Le format des tournois favorise les joueurs affirmés, très souvent plus âgés. Seuls la Coupe Davis et les tournois du grand chelem se jouent encore au meilleur des cinq sets. De plus, les têtes de séries sont protégées et jouent, d'habitude, une rencontre en moins par tournoi. Ensuite, la majorité des joueurs se spécialise, joue en général beaucoup moins de matches -- rares sont ceux qui pratiquent et le simple et le double.
2. Les progrès techniques et tactiques. On peut les remarquer à tous les niveaux : Federer, Djokovic, Karlovic, Lopez, Brown... Ils sont quelquefois très subtils, en d'autres occasions très visibles. En général, les joueurs plus âgés ont non seulement un jeu plus complet, mais leurs schémas de jeu sont meilleurs, et ils gèrent mieux les moments critiques.
Le tableau suivant http://www.tennisabstract.com/cgi-bin/leaders.cgi?f=s00l1 permet de bien voir les performances sur les balles de bris, par exemple, et l'avantage des joueurs plus expérimentes.
Il me semble également que les progrès réalisés les dix, quinze dernières années n'ont pas été intégrés dans le processus d'entraînement. D'abord, on ne fait pas assez attention au matériel : le choix des raquettes, des cordages est relégué en général aux parents des jeunes joueurs, et très souvent, ne convient pas à leurs affinités et à leur physique.
D'un point de vue plus général, il manque, en dépit de plus en plus nombreuses publications liées à la didactique du tennis, une méthodique détaillée d'apprentissage. Les entraîneurs devraient être formés non seulement en tant que joueurs, ce qui est d'habitude le cas, mais aussi sur bien d'autres points allant de la physique, par la physiologie, à la psychologie et pédagogie. Malgré les efforts des différentes fédérations, sans entrer dans les détails, les résultats des écoles nationales sont très inégaux ou incomplets. Prenons le cas des joueurs français du top cent : Tsonga bouge mal et son revers est une faiblesse, Simon et Monfils ne savent pas volleyer, Gasquet, lui, a ses propres lacunes.
L'apprentissage du tennis est très difficile et requiert à la fois une approche holistique, formatée et individualisée. Elle manque cruellement. Ce matin-même, dans un campus où trois entraîneurs travaillaient en même temps avec des enfants âgés entre 10 et 12 ans, on pouvait observer, côte à côte, trois microcosmes très différents. Non seulement les exercices, leur intensité étaient variables, ce que je comprends et approuve, mais les techniques de coups élémentaires requises par les entraîneurs. Compte tenu du fait que les enfants changeaient de groupe chaque jour, on peut imaginer leur confusion à la fin des séances d'entraînement.
Un autre détail nous éclairera : 70% des joueurs de moins de 25 ans classés dans le top 100 disposent de gros services. Dans la tranche d'âge de moins de 21 ans, ce pourcentage est supérieur. Le reste de leur jeu -- comme on a pu s'en rendre compte à maintes reprises -- manque de maturité. Si nous excluons les Nadal, Djokovic et Murray, des Berdych, Gasquet, Monfils, Tsonga, étaient quand même plus précoces.
À bientôt.
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