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Panique

Les petits poucets


Beaucoup se rappellent encore leur premier tournoi, et la crispation, la nervosité des premiers matches. Puis, avec l'expérience, les rencontres gagnées et perdues, on se détend, et on joue mieux. Mais, chez la majorité des mortels, dans les moments importants, le cœur bat plus vite, le bras est un peu raide et les jambes un peu molles, et dans un sport aussi difficile que le tennis, d'habitude, ça ne pardonne pas.

J'ai suivi en même temps le tournoi de mon fils, après le campus, et les derniers tours de Toronto, ces trois derniers jours. Ce qui se passait dans le monde des petits se répétait, d'une manière Ô si semblable, dans les monde des pros.

Mon gosse a fini premier de sa poule, ce qui devait lui permettre d'éviter les favoris du tournoi en QF. Il n'y en qu'un qu'il redoutait, et, malheureusement, c'est celui qu'il a tiré au sort. Après avoir servi 9 DF dans le premier set, il prenait une bulle. Dans le second, pourtant, il retrouvait un service passable, et commençait à jouer la balle de plus. Son cordage neuf lui permettait de mettre énormément d'effet dans sa balle, et l'insistance de l'adversaire à cibler son revers -- très solide -- aidait. Il réussissait à faire le bris à 3-2, et remporter la seconde manche. Son adversaire était de plus en plus nerveux.

Le troisième set se finit 7-5 au départage. Le tennis était horrible, loin du niveau que les deux garçons proposaient à l'entraînement les jours précédents. Le coup droit de mon gosse, et le service de son adversaire, d'habitude leurs points forts, étaient des plaies ouvertes, et le match fut décidé par un let à 5-5, et, finalement, par un coup droit décroisé de belle facture sur la balle de match. Mon fils était éliminé, et, dépité, il alla s'engouffrer immédiatement dans la voiture, n'aspirant qu'à quitter les lieux.

Les autres quarts, puis le tournoi, se finirent par des surprises : deux des favoris furent éliminés en quart, un s'effondra en demi, et l'adversaire de mon fils remporta le tournoi. La stratégie de « la balle de plus » fut décisive, comme elle l'est bien souvent à ce niveau.

Les grandes bêtes


Toronto fut également, comme bien d'autres tournois, l'illustration que de bons nerfs sont souvent plus importants qu'un bon coup droit. Berdych s'effondra, comme d'habitude, contre Djokovic ; Wawrinka fit de même contre Nishikori. Raonic déjoua contre Monfils. À chaque fois, le joueur ayant un jeu plus solide, prenant moins de risques, l'emportait. Commentant le départage dans la rencontre Berdych--Djokovic, Fabrice Santoro, à 7--6 dans le tie-break, remarquait : « Je ne sais pas comment ce tie-break va se terminer, mais les quatre derniers point sont l'illustration parfaite de la carrière de Thomas Berdych. »

Malheureusement, il ne découvrait rien de neuf. Chez Berdych, cette fébrilité est criante depuis des lustres, et elle le fut dans ce match aussi. En demi-finale, Stan faisait les mêmes erreurs que Thomas, au même moment. En finale, finalement, à 4-4 dans le second set, Nishikori commençait à jouer un cran en dessous. Il n'arrivait plus à passer une première, mais s'en sortait grâce à une erreur inhabituelle de Djokovic et à un faux-rebond. À 5--5, le glas allait sonner la fin du match.

Le poids des défaites, avec chacune d'elles, devient lourd, très lourd : depuis cette demi-finale à Flushing Meadows, Kei a perdu neuf rencontres de suite contre Novak. De rencontre en rencontre, la marge se fait plus grande, et malgré les efforts du japonais, on sent qu'il y croit moins. Pourtant, il avait bien joué hier, mais le serbe ne se sentait plus inquiété, et sur les points importants, qui décidaient du résultat, la différence devint un gouffre béant.

Cet Open du Canada a été un tournoi de confirmation pour Gaël, qui continue une bonne saison. Mais ses limites ne sont que trop évidentes, et, pour un Djoko, battre un Monfils reste aussi facile que chiper un hochet à un bébé. La vérité est qu'on ne peut plus prendre son temps en fond de court, mais qu'il faut frapper le plus tôt possible. Aujourd'hui, même Rafa, sur béton, tient sa ligne. Novak entre dans le terrain pour jouer ses coups quand il le peut, puis revient sur sa ligne. Gaël est simplement sans solution quand il faut ouvrir le terrain, une fois que l'échange est engagé. Et on n'est plus en 2008, quand la raquette de Djokovic ne lui donnait pas la puissance qu'il a aujourd'hui sur ses coups et quand Gaël, à 22 ans, pouvait tout rattraper. Monfils reste figé dans un jeu qu'il pratiquait il y a dix ans. Il semble être sans vrais schémas d'attaque et rechigne à montrer plus d'agressivité -- ce qui lui irait plutôt bien, d'après ce qu'on a pu voir. Mais bref, c'est toujours facile d'être un général après la bataille.

Stan a été une surprise positive -- il jouait bien -- et négative -- il semblait assez déconcentré, absent en demie. Le smash manqué, donnant par la suite un deuxième bris à Nishikori dans le second set, en est une excellente illustration. La chaleur et l'humidité ont dû y jouer leur rôle.

Tomic n'a pas réussi à confirmer, mais, d'un autre côté, Dimitrov joue mieux, et annonce un regain de forme. J'ai regardé un set contre Nishikori, et il me semble qu'il lui manque encore le jeu planifié dont il a besoin. Parmi les outsiders, Harrison et Donaldson trouvent lentement une voie vers le sommet, surtout Harrison, qui a joué vaillamment contre Berdych, et qui a enchaîné de bons matches sur dur. Tout de même, les quart-de-finalistes ont été bien prévisibles.

Que dire finalement du vainqueur, Novak Djokovic ? Comme il le fait depuis 2014, il ne joue que le minimum nécessaire. Il est monté en force en demie, puis a trouvé une forme décente en finale. Mais sa marge est tellement grande que le reste du circuit a l'air, pour employer un mot à la mode en anglais, pathétique. (Tout comme les journalistes anglo-saxons, d'ailleurs, qui semblent avoir dormi ces cinq dernières années, depuis qu'il est le patron du tennis masculin et qui, ne pouvant plus mettre en cause son palmarès, essaient de douter de sa popularité : c'est le sujet en vogue, ces derniers temps. Ou nos fédants français, qui ne se remettent pas du déclin de leur icône.)

Cette 2016 est une année charnière pour lui : plus de 100 M de dollars gagnés, Roland Garros remporté et, avec lui, le grand chelem sur deux saisons et le grand chelem de carrière, 30 MS1000... On verra comment la saison va se finir -- on ne sait jamais -- mais il semble continuer à être sur la bonne voie.

Commentaires

  1. Vu, apprécié, et inquiet pour l'état de santé de Djoko. DelPo a fait un très, très beau match. C'est tout à l'honneur de Novak qu'il n'ait pas perdu sur un score plus lourd.

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